Eshou

Casa do Mensageiro ©FV – 2020

Les danses du candomblé

Dans les cérémonies de candomblé, religion de matrice africaine la plus importante au Brésil, les divinités issues de la diaspora noire se manifestent par la danse à travers des phénomènes de possession. Le mouvement, connecté aux éléments de la nature, réactualise les mythes ancestraux et active un véritable langage de gestes symboliques qui ont été et sont fondamentaux dans le processus de résistance/résilience des communautés afro-descendantes brésiliennes, celles-ci marquées par les périodes esclavagistes et les discriminations dont elles font encore aujourd’hui l’objet.

Il existe plusieurs familles de divinités, chacune constituée d’au moins seize divinités. Chacune d’elle se manifeste par ses propres danses, chacune correspondant à des rythmes, des chants et des épisodes mythologiques spécifiques.

Il s’agit donc là d’un immense répertoire, d’un héritage en perpétuels activation et mouvement.

Eshou

Ce choix comme objet de première recherche fondamentale est d’abord symbolique : toutes les cérémonies du candomblé commencent par des rituels pour Eshou, notamment le rituel appelé Padê au cours duquel des offrandes lui sont faites dans le but qu’il assure le bon  déroulement de la fête. Il correspond au seuil, aux actions premières et est le gardien des portes qui s’ouvrent entre les mondes différents. 

Ma seconde motivation est d’ordre politique : Eshou est la divinité du mouvement, des chemins, de la communication, de la sexualité et de la procréation. De par ces derniers archétypes il a été utilisé par les esclavagistes pour accuser les afro-descendant·e·s de satanisme et justifier une répression violente envers leurs cultes. Ce processus de diabolisation et de répression envers les pratiquants du candomblé reprend actuellement vigueur, encouragé par les discours violents de certaines églises évangélistes et le gouvernement fasciste en place. Je souhaite que cette recherche participe, à sa mesure, au travail de déconstruction des préjugés que mènent ces communautés.

En outre, Eshou ayant été encore plus invisibilisé que les autres divinités, prendre un temps spécifique pour l’étude de ces danses est également justifié par la rareté de leurs représentations et la dimension du secret qui l’entoure. Il est en effet la figure la plus mystérieuse des croyances afro-brésiliennes. Embrassant l’immatériel, la débrouillardise et l’ambiguïté, l’idée d’ordre dans le chaos et la notion de transformation, il représente un mode d’être au monde et de pensée non binaire, angle qu’il m’intéresse tout particulièrement d’observer à travers la danse.

Enfin les danses d’Eshou s’appuyant sur un répertoire de pas/rythmes transversaux aux danses des autres divinités, leur étude va éclairer celles des autres figures du candomblé. 

Eshou Porteiro
Eshou Porteiro – Casa do Mensageiro – © FV – 2020